jeudi 10 avril 2014

La route

Un panneau d'indication dans le Grand sud...


La route,
un état d’esprit qui me parle,
un lieu d’admiration, et souvent de réflexion,
où ma tête s’envole vers d’autres contrées,
alors que mon corps reste là, en mouvement, en hypnose.

Les cheveux aux vents,
toutes vitres ouvertes,
C’est souvent dans ma Twingo poubelle que ça m’arrive,
des symphonies entières s’improvisent au fond de mon cortex,
des analyses interstellaires,
de la métaphysique quantique qui dépasse même (et surtout) l’entendement de mon moteur. 

Et pourtant,
elle en fait du bruit,
ma Twingo poubelle,
survivante d’un autre âge elle aussi,
une incompréhensible capricieuse.
Blagueuse à chaque virage,
menaçante aux nids de poules,
et hurlante aux dénivelés.

Mais elle roule,
et elle fait des envieux,
souvent, au feu rouge ou à la station-service,
les mecs viennent me voir pour me l’acheter,
à bas prix, - forcément -
et si je n’en avais pas besoin,
je leur lâcherai bien contre une pirogue et trois papayes.

Et comme le disait si bien le fameux pèlerin philosophe- attention euphémisme - Ernest Duchemin : « Le meilleur moyen de connaître un pays, c’est quand même d’y prendre la route...»

Alors voilà un petit goût :

Tous les jours on en voit,
des frères Kanak sur le bord de la route,
à marcher,
vers là-bas. 

Pour combien de temps ?
Tout est relatif.

Ils ne font pas de stop,
– sauf ceux qui tendent le pouce -
puisqu’un cousin finira bien par passer,
et les prendre pour les avancer.

Ils ne font pas de stop,
quoiqu’ils acceptent volontiers d’en être si vous leur proposez,
que votre gueule leur revient,
et que vous savez adresser les bons mots (Eh le Frère ! Tu vas où ?)

- Tu fais quoi ?
- Je marche.

- Tu vas où ?
- Pas Loin.
(Bah oui, il va pas en Australie non plus…)

Attendez-vous à faire un détour, ça se fait.
Et si tu te proposes de l’emmener,
autant que ce soit jusqu’à destination.

Quoi tu vas être en retard ?
Rien à foutre mon frère, pour l’instant t’es dans cette bagnole,
et t’emmènes quelqu’un.

À marcher au bord de la route,
lorsqu’ils n’y sont pas postés,
avachis ou défoncés.
Ou simplement,
ils regardent,
ils attendent,
ça dépend.

Quelquefois avec le fusil sur l’épaule,
ils attendent :
une roussette,
un nautou,
ou peut être le dernier cousin qui leur a cassé les « claquettes ».

Quelquefois c’est les flics qui prennent du grain.
Bah oui, l’apéro chez le cousin a commencé à 6h du matin,
et ils sont partis à 15h…

Quelquefois ce sont des chiens
 –sauvages ou non –
qu’on retrouve éclatés sur le bord de la route,
morts.

Ils pourriront là la plupart du temps,
pendant 3, 4, 6, 8 mois,
jusqu’à redevenir poussière.

Quelquefois c’est un cerf – prononcez « serphe » - qui traverse,
à la tombée de la nuit,
tranquillement…
et on se demande ce qu’il foutait dans la mangrove.

Quelquefois plutôt qu’un cerf,
c’est une vache : « un bétail » -comme ils disent-,
au milieu de la route aussi,
ou sur le bas-côté,
tranquille…
Quasi invisible en pleine nuit.

Parfois c’est un cochon sauvage,
Qui se languit là,
à fouiner les noix ou les mangues.

On accélère,
car il n’est pas bien gros et ressemble à un bon dîner.
Et il file se planquer dans le fossé avant l'impact.

Je l’aurai un jour !
Mais pas en Twingo…

Le jeu consiste à le taper sur l’arrière,
de façon à juste lui faire faire un soleil,
et qu’il ne puisse plus détaler.

Vous a-t-on raconté comment certains caldoches chassent sans fusil ?
Au Pick-Up.
Avec ou sans Parre-buffle…
On accélère derrière la harde,
dans les plaines ou la brousse,
tous feux éteints sous la pleine lune.
La Faim justifie les moyens,
parait-il.

D’autres plus valeureux,
Partent à Cheval dans la chaine,
capturer d’autres chevaux, bien sauvages eux !
Et point de rires de guerriers sioux là-dedans,
on ne sait jamais qui du gibier ou du chasseur est le plus malin.

C’est toujours une jument qui mène la horde,
la plus dure à capturer, et à dresser.
Pour assurer une déroute,
on la flingue,
les autres ne s’en rendent que plus dociles.

Le moindre gamin de brousse tire au lance pierre comme Tiger Woods sait remplir les trous,
à faire démissionner Thierry Lafronde.
Nul besoin de fusil,
pour sécher une roussette ou un Nautou.

Revenons à la route.

Il y’en a des accidents.
- Je touche du bois –

Quelquefois c’est un camion,
couché dans un rond-point, ou un virage.
peu importe le chargement, il vous somme de ramasser,
et d’embarquer, puisque lui, c’est de son patron, qu’il va ramasser.

C’est ainsi que certains arrivent en retard à la pêche,
Le coffre plein à en affaisser le chassis,
à en gratter les dos d’ânes,
de cartons de bière, à ne plus savoir qu’en faire,
à en faire couler le bateau, et noyer les pêcheurs.

Les dos d’ânes, parlons-en !
on dirait qu’ils font collection,
à chaque rue résidentielle,
c’est tous les trente mètres.

On dirait qu’ils ont voulu imager la houle sur l’asphalte.
Véritables arraches pneus et calandres,
ils sont rayés sur le dessus,
par les essieux qu’ils ont croqué.

Tant qu’on y est : les nids de poules…
Drôles de poules ici,
si on s’y fie,
on s’attend à voir un diplodocus,
puisque seule une de ses couvées pourrait nicher dans ce nid.

Alors on esquive, on feinte,
on ralenti ou on s’envole.

Mais c’est ainsi,
Les pluies diluviennes rongent le bitume,
en une saison, une fois n’est pas coutume.

Revenons à la route.

D’autres fois c’est un connard,
qui roule sur votre voie,
en sens inverse.

Il a toute la place,
mais ça ne suffit pas.
Sécurisé en Pick-Up,
vous foutre en l’air ne le concerne pas,
lui, il a payé pour space mountain,
avec ou sans vous, de gré ou de force,
il passera.

Les feux rouges sont facultatifs, les stops aussi,
également les clignotants.
Surtout dans les ronds-points.

Heureusement comme en France,
Il semble que la spécialité soit quand même de se foutre en l’air tout seul,
trop rapide dans un virage, ou pas assez vigilant.
J’en sais quelque chose…

Les routes transversales,
qui relient les deux côtes,
sont de véritables coupe-vie.

Lacets sinueux,
à largeur variable,
falaises libres sans rembardes,
c’est au plus gros et au plus fou la priorité.

Les nids de poule font office de signalisation.
Parfois, on y croirait des entrées pour spéléo.

Dans la chaine en 4x4 - chaine courte j’entends bien –
ce n’est pas moins dangereux, mais c’est le pied,
Quand on est au volant.
Et l’on bénit alors la machine,
les astuces de l’homme et de son pétrole.

Ni un homme, ni un cheval,
n’en réchapperait sans s’esquinter,
Mais la machine passe, sans sourciller.
Peut-être une bande de sherpas népalais pieds nus,
feraient l’affaire sans le timing tenu.

Dans la Chaine pour une mission Pollution
Route tribale de réserve clanique...
La mission avec les guides locaux @Port Bouquet

Et la route c’est des rencontres,
avec vous-mêmes,
avec des inconnus,
avec des paysages
ou des endroits incongrus.
La brume qui se lève au fond de la vallée, au petit matin en descendant de l’autre côté de la chaine.
Une brume si épaisse qu’on y croirait un feu,
d’une qu’on ne rencontre qu’en pays montagneux.

Les couleurs flamboyantes du coucher du soleil,
la diffraction dans les herbes hauts,
des près dans lesquels un seul arbre est dressé.

Quelquefois,
c’est à la pêche,
le coin est déjà occupé,
tu lui fais signe et te déportes un peu.

Le pêcheur sort de l’eau, quelques temps plus tard,
et vous dialoguez avec les yeux :

- Ah tu pêches au leurre aussi, c’est cool !
- Oui, le mien il est flottant.

Alors il te sort une belle carangue de sa besace pleine,
comme pour te certifier que c’est un bon coin.

Puis toujours  avec les yeux:
« Tu la veux ? Tiens, cadeau pour toi ! ».

Il a assez pour lui et sa famille.
Il a eu sa partie,
il connait son lagon,
et a le plaisir d’offrir,
de faire plaisir.

Pas plus,
tranquille.

Toi tu ne prends rien,
c’est normal, tu ne connais pas,
t’as passé la bonne heure,
il n’y a plus de poissons.

Il le savait, il connait son lagon,
il avait pris le temps, du bon instant.

Une autre fois c’est au bord d’un pont en pleine brousse,
tu pêches au leurre,
encore,
comme un crétin :
« pêche sportive ». 

- Aouh mon frère, mais la pêche c’est pas un sport, c’est fait pour manger ! – qu’ils diraient.

Alors deux gusses passent,
avec leur voiture cabossée-rafistolée,
qui fait plus de bruit qu’une moto sans pot,
ils viennent faire des Burns et tirer des câbles,
sur le terrain vague du bas de la vallée. 
Ils viennent de la finir, il faut la tester.

Ils te font signe et voient que tu pêches,
(ils savent que tu pêches rien, ils connaissent eux !),
repartes chercher leur lignes et s’adressent à toi, de l’autre bout du pont.
Evidemment, toi, sourd comme un zoreille,
tu ne comprends rien.

Alors,
tu vas les voir.
Ils t’invitent à pêcher,
à « faire la ligne » avec eux.
Ils veulent te montrer. 

Tu connais,
mais par rapport à eux,
tu ne connais pas, donc,
tu te gardes de le dire.

Ils te racontent,
les Becs de canne de 10 Kg,
ils ont le bon fil, pour les bons poissons,
pas toi.

Heureusement que rien n’a mordu à ta canne,
 sinon elle aurait cassé.

Par contre, tu as des émerillons de zoreilles,
qu’ils ne voient pas souvent et qu’ils trouvent fort pratiques.

Générosité,
échange de bon procédé,
50 mètres de fil contre des émerillons.

« D’ailleurs sers-toi, les plombs, les hameçons, les appâts, vas-y !
On est là, on pêche, cool man. »

« Nan parce que les gens y’ disent toujours c’est accueillant le Nord,
mais le Sud aussi c’est accueillant, faut pas croire ! J’vais vous montrer ! »

Ça touche,
ça lâche,
ça se fout dans le caillou,
on casse,
on coupe,
et on remonte que les petits.

Puis c’est la nuit,
on est bien là, mais on doit y aller,
parce qu’on a peur,
pas d’eux ;
des autres, qui arrivent,
de la nuit,
de l’inconnu,
des histoires qu’on nous a raconté.
On ne sait pas trop ce qui se passe ici…
Le mental est revenu, allez, on s’arrache.

- Merci les Frères !

L’endroit où le fils de l’homme est le moins perdu,
est sans doute la route,
sans destination.

Poissons d'Avril



Rétrospective sur quelques belles pièces prises ici...

Dimanche de Paques,
Point de chocolat au menu.
4 Séchages sur 6:
3 carangues amoureuses, un Pompaneau, un coureur arc-en-ciel, un Perroquet à bosse.
Weekend du 12 Avril,
Quadruplé d'une espèce inconnue

Anthony le week-end dernier,
Coureur arc-en-ciel
Les magnifiques vidéos de chasse sous marine d'Anthony sont à visionner sur:
http://www.youtube.com/channel/UCqbtLSIYQ2DFrZkXpkyohcw

Langoustes du Large et Versicolores,
fin Mars 2014


Langouste Porcelaine du Large


MilkFish Balèse pris passe de Ouano


Anthony, son bateau et ses prises
Milkfish et Thazard
Un aperçu des paysages sous marins d'ici: http://www.allfishes.net/voyages/new%20caledonia/new%20caledonia.html
Marc, Fin Fevrier 2014,
Un Dawa et un Bossu.

Dumbledore à la mer.

Tableau de pêche
Février 2014

Bossu sur îlot
Janvier 2014

Cuisson du poulpe...
Raté !

Les Crabes de la Coulée
Aout 2013

Poisson Trompette
Janvier 2014.

Wiwa
Juin 2013

Thazard de la baie de Mouéa
Mai-Juin 2013

Carangues
Mes premiers poissons, Mars 2013

Nav de Nuit,
été 2009

C'est décidé, à prendre ou à laisser: Je finis mon contrat fin juin, mes frères et sœurs viennent en Juillet Aout,
ce sera deux mois de vacances, et après si on ne me propose pas un vrai taff d'ici là, 
j'me barre en bateau-stop, où le vent me portera.

dimanche 9 mars 2014

Eloge d’un pays aux frontières mentales et maritimes

04/03/2014




Un an ici, ça vaut bien un billet.

C’est hier que ça m’a pris, en sortant du boulot, quand je tombais dans les embouteillages.
Embouteillages, pourquoi ?
Parce que la route passe le long de l’aérodrome, et qu’un avion allait atterrir, alors, il fallait ralentir, pour le regarder se poser.
Ce n’est qu’un avion ?
Oui,
Mais un beau spectacle tout de même.

Ce matin c’était
un mec qui marchait-titubait
aux côtés de sa femme en robe mission.
Il est tombé par terre
sur ses deux genoux,
droit,
sans se vautrer.

Puis, il s’est relevé,
sans expressions,
ni de douleur ni de honte,
il était juste tombé.
Il devait sortir du Nakamal.
Oui, à 8h du matin.


Puis c’était W,
il était là,
devant là où je me gare tous les matins,
à attendre,
sans savoir que c’est ma place,
que je me gare là.

Y’a 2 semaines c’était Casimir,
devant mon taff,
par « hasard » aussi,
de bon matin.

Je me suis dit qu’ils valaient bien un billet,
Tous,
ce sublime et incroyable pays,
ses beaux et fiers habitants,
ses magnifiques paysages,
ses possibilités d’activités,
son ambiance indescriptible,
si on veut bien la voir, l’accepter,
absolument éclectique,
magique.

Toutes ces petites choses du jour le jour, et de la nuit,
signifiantes et indicatives, si petites soient elles.


Le pays du temps.


« Vous vous avez l’heure, nous on a le temps » disent parfois les kanak.

Kanaky,
royaume de l’instant,
l’instant présent,
insaisissable,
mystique,
transcendantal.

Nous ne sommes pas habitués à cela,
et ça dérange, parfois,
trop occupés par notre mental,
avec toujours cette même question en tête :
« Et après ? Et ensuite ? Et puis ? »


Après rien !
On apprécie, un point c’est tout !


Et on a envie, de se prêter au jeu, la vie semble si facile, si plaisante.

Les silences ponctuent les discussions, le temps d’assimiler.
Qui eut dit que Palabrer voyait son vrai sens donné par le dictionnaire : c’est scandaleux.
Quelle autre utilité que discuter veux-tu donner à une discussion?
Apprendre ?!
Mais à chaque seconde tu apprends,
Ouvres les yeux,
Ouvres tes sens.

Stop ton mental, Arrêtes !

Ici on tchatche, de tout, de rien, et c’est gratos.
C’est un Art !

Quelquefois c’est un arc en ciel,
qui se dessine sur l’effet de Foehn de la chaine.
Les nuages lèchent les montagnes.
Là-bas il pleut.
Ici, c’est le cagnard !

Quelquefois c’est en rando,
ou d’un quelconque point de vue,
de sur l’eau éventuellement,
que le drapeau se dévoile,
devant vos yeux,
et en relief :

Le Vert intense des forêts luxuriantes, incroyablement exotiques, sauvages, primitives, malheureusement pas primaires. Les plus gros arbres ont été coupés, comme partout.

Le Rouge flamboyant de la latérite, puissant, intense, multiple. Du orange au violet, parfois jaune ou rose, qui tourne toujours or au coucher du soleil.

Le Bleu de la mer, du ciel, du lagon, des rivières… Profondément émotionnel, translucide, voir cristallin. Sa biodiversité constellée de couleurs et de formes : sous la mer, quel spectacle !
Que ce soit poissons, coraux, algues, tortues, mollusques ou crustacés, y’en a pour tous les goûts, et vous n’y verrez jamais tout, jamais assez.

De ces trois couleurs, on trouve toute la palette de coloris.
Et le soleil, et les nuages, pour les nuancer, encore.

Les poissons ont des noms d’oiseaux ou d’animaux: poisson perroquet, picot hirondelle, poisson papillon, Vivaneau, etc…

Les oiseaux ont toutes les formes et couleurs : Pigeons vert, perruche, Nautous, Cagous, Colibris, Pinsons, Mouettes et Puffins. C’est à l’aube et au crépuscule qu’ils pépient et s’égosillent, pendant que les chiens de tous les voisins hurlent à la mort sans se faire engueuler, les maîtres sont trop occupés à dormir ou à écouter la télévision dont le volume est au maximum.

La roussette, chauve-souris géante arboricole, qu’on entend parfois crisser dans l’arbre d’à côté à ces mêmes horaires.  Je n’ai pas encore eu l’occasion de goûter sa chair, bien qu’il paraisse qu’avant d’être dépecée elle pue la pisse, puisqu’elle dort en bande, à l’envers, celles du dessus font sur celle d’en dessous… un peu comme dans notre société… 

La végétation aussi, est extraordinaire : Flamboyants, Bagnans, Kaoris, Gaïac, Bois de Fer, Pins colonnaires, Manguiers, Papayers, Bananiers, Cocotiers et Niaoulis, se côtoient, en toute magnificence.

Les gens un peu connectés parlent de la force de la terre, de son énergie, masculine et antériologique. Une sorte de retour vers le passé, pour mieux panser les plaies, se recadrer, et être projeté dans sa voie. De ces montagnes, qui vous mystifient dès que vous sortez de l’aéroport, de cette terre rouge, lourde, comme les métaux qu’elle contient. De leurs vies antérieures, qui les tiraillent ou les propulsent, selon les cas. Et je ne peux qu’acquiescer, de ce bout de Gondwana, survivant d’un autre âge, et de sa biosphère, elle aussi colonisée, envahie.

On se méfie des cerfs, des tilapias, des papyrus, des faux mimosas et des zoreilles : des espèces résistantes et ultra-envahissantes. Mais pas les mieux adaptées.

La beauté et la force de caractère des locaux est saisissante.
Leurs traits, leurs mimiques et leurs yeux parlent d’eux-mêmes, 
et de cette terre, 
de leur fierté, 
et de leur pudeur, 
pour l’œil attentif.

Le calme, la force tranquille.
La prestance de l’Homme, simple et vrai.

Le respect, l’écoute et le partage bien souvent,
l’hospitalité, plus rare, et précieuse, mais excessivement généreuse, lorsqu’elle se présente. 

D’autres peuples du pacifique sont présents, en différentes communautés.

Et l’on a envie de se prêter au jeu,
mais les règles,
us et coutumes,
que nous ne connaissons pas,
restreignent parfois les champs d’actions ou les intentions ;
à trop vouloir rester dans ce respect mystique.
A chacun sa culture, et on n’aime pas partager trop vite, on raconte doucement, on compare peu, et on ne se mélange pas en un clin d’œil.

En même temps dommage, et heureusement.
Les hommes sont ainsi faits.

Alors, on s’évade de sa condition et de son mode de pensée, conditionné, on sort du carcan, qui revient au galop. En face, la porte s’ouvre, et ça fait du bien, mais l’on n’a pas accès, à toutes les pièces du puzzle.  

Ou alors on se réfugie dans le domaine du connu, et on re-rentre, dans les mêmes reflexes sociaux que ceux d’où l’on est parti.

La reproduction mimétique est à l’œuvre.
C’est ça, la colonisation.

Certains sont cultivateurs, d’autres pêcheurs, chasseurs, cow-boys ou businessmen, trop souvent ouvriers, ou disqualifiés, ne rentrant pas dans les cases.

Tout ceci se perd chez les nouvelles générations, trop francisées, nourries à la facilité, aux technologies, et à la ronchonnade de cour de récré. 

Déracinés par des idoles mi- prophètes mi- malades, des idées facétieuses surgies d’un caprice d’enfant, des besoins superficiels, ou des jalousies à germe violente. Une réalité multiple, trop dense et trop vaste, entremêlée, dissipante et dissipée.

Puis l’envie de se tirer aussi, de voir ailleurs, des buildings en Australie, des burgers aux Stazunis, des saucisses-lentilles et du cassoulet, en France. Oui c’est là-bas qu’ils iront, en premier. 

Mais c’est la grande marche du monde, me diriez-vous.
Je le crois, et j’en suis attristé.

Les nouméens sont d’ailleurs indéniablement une espèce à part.
Qu’ils soient Calédoniens ou non.
Ça gigote et ça couine, ça a décidé de construire son rêve ici, sans demander la permission.
Alors, la place est maigre, et ça se débat pour s’en faire une.
Pour se goinfrer au grand banquet, avant les autres. 

Des jeunes calédoniens, les nouméens issus de toutes les commodités sont sans doute les moins fiers de l’être, les moins impliqués, les moins dans l’ambiance et les moins authentiques.

Et on cultive son énergie aussi, entre deux bouffées de poussière de mine ou de fumée d’usine, l’accès à l’air frais est invité, par toutes sortes d’activités. Des sports en pagaille, des loisirs à la pelle, très marins, parfois terrestres. 

Du trail à la plonge, de l’Escalade à la voile, du Taï-chi à la pêche, de l’apéro à la sieste.
Tout est possible, mais pas toujours financièrement très accessible.

Le simple plaisir enfin trouvé de prendre une douche froide,
dès le matin,
à peine émergé.

Une petite île ?
Pas si petite.
Chaque aire à son histoire, ses spécificités, et chaque tribu ses héros et martyres.
Chaque lieu son paysage, son atmosphère, et chaque biotope ses bestiaux.

Ici on aime à croire qu’on est quasi-indépendant, hormis les subventions de métropole et les importations… En cette nouvelle année, nous avons vu fleurir de nouveaux billets de banque :
« Vous voulez l’indépendance ? Voici des nouveaux billets »…
Ce stratagème révèle plutôt la volonté de faire sortir de leur tanière les renards fiscaux qui vont devoir se démerder pour changer leurs matelas de cash en nouveaux billets avant qu’ils soient obsolètes. France –Calédonie, renards fiscaux, même combat !

Pauvre indépendance d’ailleurs,
à moins que la France nous lâche, je ne vois pas.
Les Kanak sont déjà en minorité de vote et pas tous indépendantistes de surcroît.
Et Quelle indépendance ?
Tous dehors ?
Certainement pas.
Ni pour eux, ni pour les autres.
Peut-être réussiront-ils à garder la province Nord.
Les îles loyautés, pour le coup, ne sont pas inquiétées.

Le destin politique de la Calédonie est l’épée de Damoclès de son équilibre,
Comme chez sa mère patrie.
Le destin commun et l’éducation.
Je ne vois pas bien d’autres alternatives.

Et cette Indépendance, peut-être vaut-il mieux l’avoir dans la tête et dans son corps.
Quand on voit dans ce pays, tout ce qui se fume et tout ce qui se boit,
la digne fille de sa mère la France…

Et les absurdités, tristesses ou dangers que ça apporte…
Des chamaillades de grands enfants, drôles à en pleurer,
pour un mot, pour un geste,
qui tournent au cauchemar lorsque les protagonistes sont aveuglés par l’ivresse.
Ainsi le journal titre régulièrement : « un homme abat sa femme à coup de machette » ou « Il tire sur son cousin à 6h du matin » etc…

Pour un Oui, pour un Non,
C’est ainsi,
C’est le moment présent.

Demain, il s’excusera, regrettera, ne se rappellera probablement pas.
Mais pour le moment, il est fâché, il est dangereux.

Sur le qui-vive en permanence,
à l’affut du danger d’un moindre mec bourré.
Fatiguant mais stimulant.
Au moins on se rappelle qu’on est vivant,
Pas qu’un simple pantin de cette société qui oppresse notre magnificence.

Et ça donne envie de montrer l’exemple,
de bien se comporter,
de mener une vie saine et droite,
et de transmettre ce qu’on a vu, ce qu’on a appris.

Pourquoi pas prof ?
Cette question me revient, comme une évidence.
Pour leur apprendre que je ne sais rien,
Que je sais que je ne sais rien,
Et que c’est pour cela qu’il faut être curieux.
C’est ce vers quoi je me tournerai,
en brousse,
si je ne parviens pas à mon plan A,
probablement.

« Il y a encore tout à construire ici !» entend-je souvent de la bouche de nombreux plus-vieux-génaires que moi, qui ont envie de croire, en moi, en l’évolution, en la croissance, le confort…

Parfois, j’ai envie de les croire, de les suivre, mais franchement :
Voilà qu’on reveut tout contrôler, les plantes, la forêt, la montagne, le lagon et ses habitants.
Tout ce qui fait le charme de cette terre.
Foutre du béton, ici où là, creuser des trous, piller la terre, exploiter, le peuple y compris.
Rattraper nos anciennes conneries en en faisant d’autres, peut-être pour oublier plus vite les anciennes d’ailleurs.

Voilà qu’il y a tout à construire.
Fini les apéros sur la plage, fini les campings sauvages, les baignades gratos, et la guitare au bord du feu. Il y a tout à faire…
On va mettre du bitume ici, et de l’asphalte là, un Hôtel, et une boite de nuit là-bas… et un hypermarché en dessous…

ça me fait penser à un copain/collègue que je connais, qui met la main à la patte, qui aime bien construire, qui s'est construit lui même, une vie standard tout confort saupoudrée de luxe qui devient fade et banal avec le temps comme neige fond au soleil de midi. Puisque nous venons de la même contrée, il pense que je suis formaté comme lui, et que je pense comme lui, me branche sur mille plans de contacts et carrières.
Pour m’attirer dans les mêmes spirales que lui, pour se conforter un peu plus ?
 Prisonnier du Passé, enchainé à l'avenir, le temps présent ne m'est utile que pour réaliser l'un ou l'autre.

« Regardes, je suis pris au piège, mais ce n’est pas si déplaisant, et puis, c’est ça la vie… »

Peut-être les animaux du zoo se disent ils la même chose,
une fois que le feu du dedans s’est éteint du fond de leurs yeux.
Peut-être était-ce pour cela que les ‘adultes’ disent aux jeunes :
« Profites, ça ne durera qu’un temps, trop court ».

Eh bien je refuse.
Je refuse de m’engager, de faire un choix, de trancher, de me restreindre, de savoir de quoi sera fait demain, d’arrêter de profiter, sobrement et sainement, ni que ça ne dure qu’un temps trop court.

Et lorsque j’en aurai eu vraiment assez,
de tous ces sketches et de toute cette mascarade,
Peut-être saurez-vous me trouver,
entre le cri du Cagou et l’odeur du Niaouli.

« Casse pas la tête » disent ils aussi.